À Saint-Guénolé
À Gilles Baudry
Jeudi
L’approche se fait
lente hésitation encore
Les pas défont la route
plus lents
Les murs et les fougères
sont les bienvenus
ils ont le repos
du temps
Au surplomb de la mer
l’éveil s’entend
le regard n’a de borne
qu’au ciel d’une croisée entr’ouverte
Je suis là
les camélias sont là
dans le maintenant
que je pressens
dans les pierres
Vendredi
L’aube est de gris
le regard rompt le ciel
la vitre embuée
me transperce
Du silence
soudain un cantique naît
et le cantique des chênes
bascule au noir horizon
Tambour de pluie à la fenêtre
Les pierres assaillies d’injures du temps
sont voûtées deux fois
Prennent racines éternelles
les vibrations senties
à la peau du granit
Le temps n’est pas relevé
de sa chute à terre
Il n’est que le nom
de la durée
qui s’enfuit
Samedi
Le gris c’est l’aube
la soif de la nuit
Décroît le souffle
De clochers d’oiseaux
l’air est gros
La mer a retiré son bras
le goémon est étalé
sur les cailloux
et dans les flaques
que mes pieds ont troublées
L’air et la mer
battent ensemble
la course de leurs rythmes
Les cheveux flottants
d’une blonde enfant
brouillent son visage
Cris de Joie
Les doigts embeurrés
portent une crêpe noisette
à la bouche tout sourire
Un vol de mouettes
fait descendre le ciel
jusqu’aux lèvres
du cœur
Dimanche
Nuit
Vigiles encore endormi
cantiques et répons
un moine baille
contagieux
Nuit
Et le ciel est merveille
les étoiles ont fauché
toute la beauté du monde
Sur le ciel noirci
ronronne l’éternité
Au temps arrêté
la vague des marées
caresse le souple étalement
du jour
Au vert diamant des feuilles nées
la mésange bleue
taraude l’espérance
d’un trille vertigineux
Les secondes s’écoulent
dans la qualité et la constance
d’être uniques
vibration
et sens
Lundi
À quoi ça sert
La blancheur de la chambre
inondée de soleil
Le chip-chip-diddip
du pinson des arbres
Les reflets d’argent
dansant sur l’estuaire
L’intonation encore sifflante
d’une cloche rendue à son repos
À rien dit le chagrin
À quoi ça sert
Une coule noire
traçant son capuchon de silence
L’éveil lent du bourgeon
au printemps du marronnier
Le crissement de la plume
sur la page blanche
Le ballet tranquille et sûr
des marées vivifiantes
À rien dit l’empressé
À rien
De ces riens
qui sont tout
Mardi
Ah ! Grandir de ses blessures
s’éloigner doucement
du combat en soi
Ce qu’a marqué la trame de la patience
est la décrue du trop
Vivre le feu
au secret des gestes simples
de la source renouvelée
au silence
Au lever de ma nuit
voir les pas des ombres
s’en aller aux mondes perdus
Au lever des brouillards
les signes tracent une main ferme
au présent scellée
Et le voyage prévaut
sur tous les lointains
Au bruit des pas
la montée s’affermit
de ce qui parle
à l’âme en écho
Mercredi
Les draps sur le lit repliés
disent le départ
Un filet de jour à la fenêtre
dit Au revoir
l’impermanent état
de ce qui passe
et s’écoule
La porte refermée
est la clôture de mon silence
Sur mes paroles tues
brille un grain de lumière
germé à l’intériorité
La saveur de chaque seconde
est le ressort mouvant
de la vie
À l’instant de partir
les fougères royales
déploient leurs crosses velours
pour ouvrir à mes yeux
la spirale sans fin du temps
qui me ramène au cœur
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